jeudi 24 avril 2008

Logique interne de l'Empire ottoman




Malgré tout son faste et son apparat, l'Empire des sultans ottomans resta, sur un point important, toujours fidèle aux buts des expéditions de brigands déguenillés qui avaient été son point de départ : il était organisé pour le pillage et il subsistait par le pillage. La transformation de Constantinople en une grande métropole fut soutenue par des ressources que seul le pillage au-delà des frontières permit d'obtenir. Devenu maintenant une nécessité, il requérait de vastes armées. Le recrutement pour celles-ci ne pouvait s'effectuer que de deux manières. En premier lieu il était possible de distribuer des fiefs pour récompenser les soldats ; mais l'expropriation des musulmans étant interdite par la Loi Sacrée, il fallait repousser les frontières si l'on voulait disposer de quantités suffisantes de terres, donc, piller davantage. En second lieu, il était possible d'assembler une armée constituée d'esclaves; mais ces esclaves mêmes étaient des trophées que l'on ne pouvait remporter qu'en pillant plus encore. La loyauté et l'enthousiasme de ces deux éléments de l'armée dépendaient de perspectives de pillage toujours renouvelées, et aussi de la présence et de l'obéissance d'une administration serve: et là encore, les raids constituaient la seule solution.


Il s'agissait d'un circuit fermé où tout dépendait d'une réserve inépuisable d'esclaves, de butin et de terres. Compte tenu des techniques relativement grossières et rudimentaires dont disposaient les Ottomans dans les domaines des armées, des transports, des communications et de l'administration, et qui devaient imposer au fonctionnement du système leurs propres limitations, celui-ci ne pouvait se perpétuer. Pourtant, l'abandon de cette politique de pillages était impensable ; un retrait en deçà de frontières stables eût inévitablement entraîné la désintégration de l'autorité centrale, celle-ci étant incapable de conserver le contrôle des instruments de guerre et de conquêtes qu'elle avait elle-même créés. Les possesseurs de fiefs eussent mis à profit les intervalles prolongés de paix pour s'implanter avec leurs familles dans leurs domaines; en même temps, les esclaves des armées eussent transféré leur allégeance à un autre sultan plus disposé à satisfaire leurs appétits et à reprendre cette succession interrompue de conquêtes et de razzias aux frontières. Même un sultan de la grandeur de Soliman dut prendre brutalement conscience de cette éventualité; en 1525, trois années sans guerroyer avaient fait naître des troubles graves chez les janissaires de Constantinople.


Paul Coles, La lutte contre les Turcs Flammarion,1969 pp.68-70

mercredi 23 avril 2008

Modalités techniques du Jihad selon Nawawi(droit chaéfite)(1)

La loi défend de tuer dans la guerre contre les infidèles; des mineurs, des aliénés, des femmes et des hermaphrodites ne s'inclinant point vers le sexe masculin ; mais on peut tuer légalement; des moines, des mercenaires que les infidèles ont pris dans leur service, des vieillards, et des personnes faibles, aveugles ou maladifs, lors même qu'ils n'auraient ni pris au combat, ni donné des renseignements à l'ennemi. Quand on ne les tue pas dans la guerre, il faut en tous cas les réduire à l'esclavage. Les femmes des infidèles doivent aussi être réduites à l'esclavage, et les biens des infidèles doivent être confisqués. Il est licite d'assièger les infidèles dans leurs villes et dans leurs forteresses, d'employer contre eux l'inondation, l'incendie ou les machines de guerre, et de les attaquer la nuit à l'improviste, le tout sans avoir d'égard à la présence parmi eux de quelque prisonnier ou marchand musulman pour lequel ces moyens de destruction en masse sont également dangereux. C'est la doctrine de notre rite. En vertu du même principe on peut même tirer sur les femmes et les enfants, lorsque les infidèles continuent le combat en se cachant derrière eux ; mais on doit s'abstenir d'un tel procédé, si les infidèles se cachent derrière eux dans le but unique d'avoir la vie sauve, et que la nature des opérations militaires n'exige pas impérieusement de recourir à ces moyens extrêmes. Il faut suivre encore les mêmes principes dans le cas où les infidèles se cachent derrière des Musulmans[..]Il est licite de détruire les habitations et les plantations des infidèles, tant pour cause de nécessité militaire que parce que cette mesure procure une victoire plus facile : il est même bon de recourir à cette mesure dans tous les cas où l'on ne s'attend pas à ce que les habitations ou les plantations deviendront un jour notre propriété. Or, quand on s'attend à cette éventualité, il est préférable de ne pas procéder à la destruction."


An-Nawawi, Minhâdj At-Tâlibîn,III tr.de l'arabe avec annot.par L. W. C. van den Berg, 3 vol., Batavia, Imprimerie du gouvernement, 1882-1883 pp.261-264






lundi 21 avril 2008

L'invention de l'anesthésie par le wikipédia islamiquement correct


Dans l'article wikipédia sciences et techniques islamiques , déjà corrigé pour ses erreurs répétés sur l'invention de l'hôpital et de la voile latine, on peut lire encore une ineptie. Ainsi, l'article affirme[..] on pratique pour la première fois les méthodes d'anesthésie (une éponge saturée d’opium, de mandragore et d’autres substances soporifiques) . Or, une nouvelle fois, cette technique a été utilisée des siècles avant l'apparition de l'Islam.





En effet, l'anesthésie appartenait aux rites du culte d'Asclepios[1]. Dans l'empire romain, plusieurs auteurs signalent cette pratique. Selon le site de l'histoire de l'anesthésie et de la réanimation :Pline l'Ancien (23-79 av JC), dans son "Histoire Naturelle", précise que 1 cyathe = 0,45 l de vin de mandragore, entraîne une action soporifique, et engourdie la sensibilité, et la recommande avant les ponctions et incisions[2].Dans sa petite histoire de la médecine, le docteur Régis Bertet nous rappelle que"Celse compatissant recourait à l'anesthésie en faisant ingurgiter à l'opéré des pilules faites d'un mélange opium, jusquiame et de mandragore, judicieux amalgame de morphine, atropine et scopolamine."[3]


Notes :

[1]coll.The History of Anesthesia Elsevier Health Sciences, 2002 p.16

[2] http://www.char-fr.net/docs/textes/mandragore.html et The History of Anesthesia op.cit pp.46-47 Dioscorides (41-68 av JC) utilise une éponge chargée d'anesthésiant naturelle, Aréthée de Cappadoce,Galien, Apulée, Jean Damascène, Oribase font mention de cette pratique ou l'utilisent.

[3] L'Harmattan p. 31


voir aussi l'article du site histoire de l'anesthésie et de la réanimation
http://www.char-fr.net/SITE/Methodes-d-analgesie-decrites-par.html ou le petite synthèse de la société française des infirmier(e)s anesthésistehttp://sofia.medicalistes.org/spip/spip.php?article49



jeudi 17 avril 2008

La dette d'al-Andalus vis-à-vis de l'Espagne wisigothique (3)


Aujourd'hui, il est de bon ton de célébrer la médecine d'Al-Andalus. Or, cette dernière ne s'est pas créée ex nihilo. Bien avant de s'approprier, au X siècle, les techniques médicales développées en Orient, les médecins d'Al-Andalus s'appuyèrent aussi sur l'important corpus médical "légué"par l'Espagne Wisigothique. Dans son ouvrage les chrétiens dans la médecine arabe, Raymond Le Coz dresse un inventaire des traités médicaux existant dans la péninsule ibérique avant l'invasion islamique.




Les mozarabes [ dérivé de l'arabe musta 'rib, signifie arabisé. Ce mot désigne les dhimmis chrétiens qui ont vécu pendant plusieurs siècles en Espagne sous domination musulmane. S'ils s'exprimaient en arabe dans la vie courante, le latin était resté leur langue liturgique et religieuse]avaient, en fait, à leur disposition bon nombre d'ouvrages de l'Antiquité, qui avaient été traduits en Afrique du Nord avant de passer rapidement dans la péninsule[1], ainsi que des compilations médicales anonymes rédigées, elles, directement en latin aux V° et VI° siècles. Le passage des Etymologies d'Isidore de Séville consacré aux livres médicaux cite les Aphorismes et le Pronostic, deux ouvrages d'Hippocrate[2], ainsi que d'un certain Dynamidia où l'on parle des drogues végétales et un Botanicum herbarium qui donne la description de plantes en spécifiant leur valeur thérapeutique[3]. Dans un autre chapitre de son encyclopédie Isidore parle « des médecins et de ceux qui ont écrit sur la nature de l'homme, spécialement Galien dans un livre qui s'appelle Persie »[4]. Le titre a été malheureusement trop déformé pour pouvoir identifier le traité auquel il est fait allusion et qui devait être en la possession de l'auteur, parmi plusieurs autres écrits du même genre. En effet, pour rédiger le livre IV des Etymologies, l'évêque de Séville s'est inspiré principalement de deux auteurs nord africains, Caelius Aurelianus et Cassius Félix, qu'il se contente, le plus souvent, de recopier intégralement.

Caelius Aurelianus, auteur originaire de Sicca en Afrique du Nord, qui a vécu probablement au V° siècle, est le traducteur latin du traité de gynécologie (Gynaecia) de Soranus et il appartient comme lui à l'école méthodiste. Isidore s'est inspiré de ses Maladies aiguës et de ses Maladies chroniques, car Caelius Aurelianus, pour présenter chaque maladie, commence toujours par en donner l'étymologie. Quant à Cassius Felix, originaire de Constantine, il a rédigé une compilation des enseignements de l'école dogmatique à laquelle il appartenait, intitulée : Livre de médecine qui traduit les auteurs grecs de l'école dogmatique
[5]. Lui aussi commence chaque chapitre par une définition accompagnée le plus souvent d'une information étymologique. Enfin, tout laisse à penser que l'ouvrage composite du carthaginois Théodore Priscien, intitulé Euporista, rédigé en grec à la fin du IV° ou au début du V° siècle, mais traduit immédiatement en latin, se trouvait également dans la bibliothèque du savant évêque sévillan. Son livre est divisé en trois parties, le premier passage s'inspirant du Péri euporistôn, un ouvrage perdu de Galien. Ensuite, pour ce qui est des définitions, des diagnoses et de la sémiologie, Théodore Priscien suit les principes de l'école méthodiste, tandis que la troisième partie consacrée à la gynécologie reproduit fidèlement l'ouvrage de Soranos qu'il avait personnellement traduit.

Une autre information concernant les ouvrages disponibles dans les bibliothèques monastiques ou épiscopales du haut moyen âge nous est fournie par Cassiodore
[6] qui conseille aux moines médecins dans ses Instructions concernant la lecture des livres sacrés et profanes, au cas où ils ne connaîtraient pas le grec, d'avoir recours aux oeuvres qui ont été traduites: « Tout d'abord Le livre des herbes de Dioscoride qui a admirablement traité et décrit les herbes des champs. Après cela lisez les ouvrages d'Hippocrate et de Galien qui ont été traduits, en particulier la Thérapeutique de Galien destinée au philosophe Glaucon, ainsi qu'un certain ouvrage anonyme qui est une compilation de différents auteurs. Ensuite La médecine (De medicina) d'Aurelius Caelius et Les herbes et les soins d'Hippocrate (Hippocratis de herbis et curis) ainsi que divers autres livres concernant l'art de soigner que j'ai conservés pour vous dans un coin de la bibliothèque »[7].

La Materia medica de Dioscoride avait été traduite en Afrique du Nord d'où elle avait pénétré rapidement en Espagne. On en trouve de nombreuses traces dans le chapitre des Etymologies consacré aux plantes
[8]. Mais, en fait, l'ouvrage le plus fréquemment utilisé s'appelait Le livre de Dioscoride des herbes femelles (Liber Dioscoris de herbis feminis). Il s'agissait d'une courte compilation de Dioscoride et de divers autres auteurs, décrivant 71 herbes médicinales et leurs vertus thérapeutiques. Ce que Cassiodore appelle Les herbes et les soins d'Hippocrate fait sans doute référence au Dynamidia Hippocratis dont parlait Isidore de Séville et qui est basé sur le Livre de la diète (De diaeta), livre II, de cet auteur de l'Antiquité. Quant à La médecine d'Aurelius Caelius, il s'agit probablement des livres intitulés Maladies aiguës et Maladies chroniques de Caelius Aurelianus dont nous avons parlé précédemment. Enfin, terminons cette revue des livres médicaux traduits ou rédigés en latin, dont pouvaient éventuellement disposer les mozarabes au début de l'histoire de al-Andalus, en indiquant que le Botanicum herbarium signalé par Isidore de Séville n'est autre, selon toute vraisemblance, que l'herbier du Pseudo-Apulée, ouvrage illustré, d'origine grecque, qui décrivait 131 plantes en précisant leur usage médical ainsi que la façon de les utiliser.

Nous avons donc là toute une panoplie de livres à la fois savants et pratiques, traitant aussi bien de médecine proprement dite que de pharmacopée.




extrait de Raymond Le Coz, Les chrétiens dans la médecine arabe L'Harmattan 2006 pp. 147-150


Notes :
[1] « Cette survie, relativement prolongée, du classicisme africain n'est pas sans importance pour l'histoire de la culture en Occident: du V° au VII° siècle, l'Afrique a pu et a, de fait, exporté des lettrés, et avec eux de bien précieux manuscrits, dans la Gaule du Sud et plus encore en Espagne ou en Italie méridionale, et par là contribué à préparer les réserves sur lesquelles devait plus tard s'alimenter 1'humanisme médiéval ». P.-I. Marrou, Histoire de l'éducation dans l'antiquité, Paris, 1948, 6° éd., p. 455.
[2] Du même Hippocrate avaient également été traduits : Air, eaux et lieux, le De septimanis et des fragments de La nature de l'homme. H.E. Sigerist, « The Latin Medical Literature of the Early Middle Ages », Journal of History of Medicine and Allied Science, vo1.13, 1958, pp. 133-134.
[3] Etymologies, X, 1-4.
[4] Etymologies, XX, 2, 37.
[5] De medicina ex graecis logicae sectae auctoribus liber translatus. Cet ouvrage s'inspire beaucoup de la Thérapeutique à Glaucon de Galien et d'un livre pseudo-galénique qui porte le titre de Euporistôn.
[6] Cassiodore (environ 485-580), érudit et historien, s'était lancé dans la politique jusqu'à devenir le premier ministre (magister officiorum) du roi Ostrogoth Théodoric à Ravenne. Après la victoire des Byzantins, Cassiodore avait abandonné la politique pour fonder le monastère de Vivarium sur ses terres de Calabre. Lorsqu'il il était au pouvoir, il avait pensé fonder à Rome une université chrétienne identique à celle des nestoriens de Nisibe, qu'il avait eu le loisir d'admirer lors d'un voyage au Proche-Orient. Dans ce but, il avait commencé à accumuler les livres qu'il estimait utiles. Le projet n'ayant pas abouti, Cassiodore avait récupéré tous ces ouvrages pour ses moines et c'est à leur intention qu'il avait écrit ses Institutiones, sorte de guide des études.
[7] Institutiones divinarum et saecularium lectionum, 1, 31.
[8] Etymologiae, XVII.
Voir aussi l'héritage wisigothique sur les sciences ou sur les bâtiments

La dette de la civilisation islamique : la diffusion du savoir(1)


Le processus de traduction et d'assimilation des textes grecs dans la large zone géographique regroupant l'Egypte, le Croissant Fertile, le Levant et la Perse a débuté des siècles avant la conquête islamique. Dans un premier temps, les textes grecs sont traduits en syriaque et sont principalement l'oeuvre de chrétiens nestoriens. Les caractéristiques de cette première vague de traduction va considérablement marqué le mouvement de traduction gréco-arabe ultérieur. Dominique Urvoy nous décrit quelques aspects de ce phénomène en prenant comme départ l'activité d'un des centres culturels de l'Empire byzantin.






Dès le V siècle apr. J-C, dans la ville d’Edesse(en haute Mésopotamie) qui avait une école philosophique et théologique, on a commencé à adapter les ouvrages grecs dans la langue syriaque, à la fois forme particulière de l’araméen qui était depuis longtemps la lingua franca du Moyen Orient et langue liturgiques de plusieurs Eglises. Les premiers texte traduits furent certaines livres de l’Organon ; L’Isagoge que Porphyre avait ajouté aux livres d’Aristote et, de ce dernier, le Traité de l’interprétation et les Premiers Analytiques ; étaient donc donnée une « introduction » aux catégories, c’est-à-dire aux termes du langage, une étude du jugement et de la proposition et une description du raisonnement formel ou « syllogisme ».
Au début du siècle suivant, l’entreprise est continuée en Mésopotamie du Sud par le médecin jacobite Sergius de Re^s’aynâ(m.536 apr. J-C). Il retraduit l’Isagoge et donne en entier les Catégories. Il transcrit également plusieurs traités attribués à Aristote, sur le Monde et l’Âme, des écrits du Pseudo-Denys ainsi qu’un grand nombre de textes de Galien et d’Hippocrate et une compilation de traités d’agriculture appelée Les Géoponiques.
Formé à Alexandrie et bon connaisseur de l’œuvre d’Origène, il a rédigé deux traités d’introduction à la philosophie d’Aristote, inspiré par les traducteurs de l’école d’Ammonius. Selon son propre témoignage, il procédait avec un aide, lui-même traduisant oralement le texte du plus près possible, et son collaborateur, un religieux lettré, polissant une belle expression syriaque. Il insiste à la fois sur l’ascétisme spirituel que nécessite cette étude et su’ l’orientation « dogmatique » de celle-ci :


L’origine et le commencement et le principe de tout savoir fut Aristote, non
seulement pour Galien et tout les autres médecins comme lui, mais aussi pour
tous les auteurs appelés philosophes qui vinrent après lui. Jusqu’à l’époque, en
effet, où cet homme vint au monde, toutes les parties de la philosophie et du
savoir tout entier étaient éparpillées, à la manière des drogues simples, et
disposées sans aucun ordre ni science chez tous les auteurs. Celui-là
seul[Aristote], à la manière d’un savant médecin, réunit toutes les parties qui
étaient dispersées et il les assembla avec art et avec science, et il prépara à
partir d’elles le remède parfait de son enseignement, qui extirpe et ôte de ceux
qui s’appliquent à ses écrits avec sérieux les maladies graves et les infirmités
de l’ignorance.


Dès ce texte, on voit apparaître la désignation d’Aristote comme le « Premier Maître »(al-mu’allim al-awwal)et de la philosophie comme somme de connaissance et non comme problématique, deux traits qui caractériseront la Falsafa, ou philosophie arabe d’inspiration grecque. Mais Sergius est également l’héritier de la tradition néoplatonicienne. Cela se sent en particulier dans son commentaire des Catégories où il suit un ordre différent de celui du traité d’Aristote, donnant un texte qui « paraît se situer à mi-chemin de deux types littéraires philosophiques, celui du commentaire suivi exégétique et celui de la scholie sur un point de controverse ». De la même façon, la Falsafa connaîtra plusieurs registres du commentaire.
L’œuvre de Sergius est prolongée par celle du métropolite jacobite de Takrit Ahdemmeh(m.575 apr. J.-C.) qui rédige un ouvrage sur les définitions de tous les sujets de la logique. Mais c’est surtout au siècle suivant, soit de façon contemporaine avec l’apparition de l’islam, qu’a lieu la grande floraison des traductions syriaque. Le centre en est le monastère jacobite de Qennešra, près de Hãrran.
On y retraduit l’Isagoge et on y donne des gloses sur le Traité de l’interprétation, les Premiers Analytiques et la Rhétorique(qui est alors incluses dans l’Organon). Dans le prolongement, Jacques d’Edesse (m.708 apr.J.-C) écrit un Enchridion des termes techniques de la philosophie et Georges(m.724 apr. J.-C), évêque des Arabes de la Djézireh, retraduit les trois premiers livres de l’Organon. Les Nestoriens pour leur part, commencent à intervenir avec un ouvrage sur les définitions et les définitions de la logique et un commentaire des Premiers Analytiques. L’intégration des populations syriaques dans l’Empire musulman fournit donc un point de départ épistémologiques : traités de logique et ouvrages médicaux –on s’intéresse peu alors aux mathématiques et à l’astronomie. A partir de la fin du VIII siècle apr. J.-C, soit le second de l’Hégire, l’arabe, après avoir reçu une impulsion décisive sous le califat de ‘Abd al-Malik(m86 /706) et être devenu progressivement la langue de culture de tout l’Empire, devient l’aboutissement logique des traductions. On continue à traduire du grec au syriaque, mais on passe aussi du grec à l’arabe et des traductions déjà existantes en syriaque et à l’arabe, cela surtout à partir du IV/X siècle, moment où les savants syriaques ne connaissent plus le grec, qui n’est plus pratiqué que par les Melkites. Sur les soixante et un traducteurs vers l’arabe qui nous sont mentionnés par les bibliographes anciens, quarante-huit sont syriaques et onze sont melkites. Les Chrétiens tiennent donc la quasi-totalité de la place puisque seuls un Sabéen et un Persan s’y ajoutent. Et parmi les Chrétiens, les Nestoriens vont supplanter les Jacobites : si ceux-ci avaient nettement dominé le mouvement avant l’islam, par la suite ils ne sont plus que neuf pour le passage à l’arabe contre trente-huit Nestoriens, à qui il faut ajouter un Maronite
.


Dominique Urvoy, Histoire de la pensée arabe et islamique Seuil 2006 pp.151-153

mercredi 16 avril 2008

la dette de la civilisation islamique : pratique du gouvernement





[..]La pratique des empires perses et romains, auxquels appartenaient la plupart des provinces et du personnel administratif du nouvel empire islamique, constribua ainsi à modeler le processus et les principes de gouvernement de l'Islam même. La traduction en arabe, à partir du VIII siècle, de manuels persans sur l'art de gouverner et sur l'étiquette de cour et de traités grecs de philosophie politique a doté le discours islamique en ces matières d'une sophistication nouvelle. La langue politique arabe, si riche et si flexible, s'est encore enrichie de mots d'emprunts et, plus encore, de terme traduits du persan, du grec et même du latin. Certains d'entre eux remontent même aux premiers temps. Même dans le Coran, La Mecque est qualifiée de Umm al-Qura, traduction littérale du grec metropolis. La route droite al-Sirat al-Mustaqim, que les musulmans sont tenus de suivre, est la route romaine droite, et sîrat n'est autre le latin strata, d'où dérive aussi l'anglais street[rue] .



Une familiarité plus étroite avec la pratique romaine et byzantine dans les provinces conquises a apporté beaucoup d'autres termes de ce genre. Certains se reconnaissent aisément, tels que shurta, la cohorte chargée de la police. D'autres revêtent un masque arabo-islamique, tels que le muhtasib, sorte d'inspecteur des moeurs et des marchés, qui a hérité des fonctions de l'agoranomos byzantin. Le mot arabe diwan, qui désigne les bureaux administratifs où travaillent les serviteurs de l'Etat, dérive évidemment d'un antécédent persan. Le chef des diwan, le wazir, portait un titre étymologiquement arabe, mais qui doit en grande partie son développement au précédent impérial iranien.



Au XI siècle, l'arabe avait absorbé ces emprunts culturels aux anciens empires et les avait fondus dans une culture politique nouvelle, vigoureuse typiquement islamique.






Bernard Lewis, Islam,Le langage politique de l'islam Gallimard 2005 pp.681-685

mardi 15 avril 2008

La dette de la civilisation islamique : les origines syriaques de l'écriture arabe


D'après l'agence de voyage irantravel, "L'écriture coufique est un signe divin parmi les signes divins et un miracle parmi les miracles, et les corans écrits par -Sa Sainteté- le roi des croyants, I'imam Ali, étaient des modèles de belle écriture, de sobriété de composition parfaite et d'équilibre magistral entre les mots"

L'écriture arabe serait donc un miracle issue du Coran. Qu'en est-il réellement ?

Alfred Louis de Prémare établit un état des lieux des recherches scientifiques sur ce sujet.



Le dernier-né des modes d’écritures utilisés par les Arabes pour leur langue est celui que nous connaissons aujourd’hui, la graphie arabe proprement dite. Celle-ci s’était déjà diffusée avant le 7 siècle. Dans le domaine épigraphique, la plus ancienne attestation que nous en avons est peut-être du début ou du milieu du 4 siècle de notre ère, dans le Sud de la Jordanie actuelle. C’est ensuite tout au long du 6 siècle qu’elle apparaît plusieurs fois dans des inscriptions, au Nord de la Jordanie et Syrie actuelles. Elle se manifeste enfin de façon plus usuelle à partir du 7 siècle, avant, durant et après l’expansion arabe des conquêtes.[...][1]

I inscriptions découvertes par l'archéologie.
Les inscriptions arabes du 6 siècle mériteraient le qualificatif de « syro-arabes », à la place de celui de « coufiques » par lequel elles ont été parfois qualifiées bien que la ville de Kûfa n’existât pas encore. Elles nous renseignent, en effet, sur l’aire géographique où l’écriture arabe était pratiquée et sur ses utilisateurs : des Arabes de Jordanie et de la Syrie ghassanides, principalement chrétiens[2]. De plus, nous y constatons, au fil du temps, une influence de plus en plus accusée de la graphie syriaque. Le modèle syriaque de l’écriture arabe est bien illustré par les inscriptions christo-palestiniennes en mosaïque du 6 siècle. Ces dernières annoncent quant à leur forme graphique ce que seront un siècle plus tard, mais en arabe, les inscriptions islamiques du Dôme du Rocher à Jérusalem.[..][3]

II L'origine de la langue arabe selon la tradition littéraires
Des traditions littéraires persistantes situent l’origine de l’écriture arabe à Anbâr, sur la rive gauche du moyen Euphrate, d’où elle serait passée à Hîra, sur la rive droite[4]. C’est à partir de Hîra qu’elle serait diffusée, profitant des multiples liens de la capitale lakhmide avec les autres régions du domaine arabe. Nous en avons l’écho, en effet jusqu’au Hedjâz, dans les générations qui précédèrent immédiatement ou qui furent contemporaines des débuts de l’islam, et principalement par les circuits commerciaux. De fait, l’écriture arabe telles qu’elle s’est finalement épanouie doit sa configuration au syriaque. Anbâr étant un des lieux d’implantation du christianisme d’expression sémitique en langue syriaque.[5]



Notes :

[1]Alfred-Louis de Prémare, Les fondations de l'islam, Seuil, 2002 p.232


[2]Inscription du temple nabatéen de Ramm(à 50 km à l'est du port d'Aqaba en Jordanie), inscription religieuse datée du 6 siècle demandant pardon pour le scribe fils de Ubayda du site d'Umm al-Jimâl(en Jordanie à 90 km au sud de Damas), inscription datée du 24 septembre 512 des pèlerins arabes de saint Serge à Zabad( 40 km au sud-est d'Alep), inscription datée entre mars 528 et mars 529 du soldat Ibrâhîm fils de Mughîra à Usays( à 105 km au sud-est de Damas), inscription datée de 568 ap. J-C d'un chef de tribut dévot de saint Jean-Baptiste à Harrân(Syrie à 80 km au sud de Damas)


[3] Alfred-Louis de Prémare, Les fondations de l'islam, op.cit.p.241


[4]Il s'agit de ibn Khallikân et de Balâdhurî.Ci-dessous extraits de leurs affirmations.


Ibn al-Kalbî ainsi qu’al-Haytham Ibn Adi rapportent que celui qui amena cette écriture de Hira au Hedjâz fut Harb, le fils d’Umayya ibn Abd-Shams b. Abd-Manâf al-Qurashî al-Umawî. Il était allé à Hîra et en avait ramené cette écriture à La Mecque. Ils ajoutent : On interrogea Abû-Sufyân, fils de Harb : « De qui ton père tenait-il cette écriture ? »Il répondit : « De Aslam Ibn Sidra et, dit-il, j’ai demandé à Aslam : De qui tiens-tu cette écriture ?-De celui qui l’a créée, m’a-t-il dit, Murâmir Ibn Murra .» L’apparition de cette écriture eut donc lieu peu avant l’islam.

Ibn Khallikân, Wafayat, III ,344 trad. A.-L de Prémare cité in Les fondations de l’islam p.443

[..]"Trois hommes des Tayyi'de Baqqa-il s'agissait de Murâmir Ibn Murra, d'Aslam Ibn Sidra et de Amir ibn Jadara-s'accordèrent pour instituer l'écriture en prenant l'alphabet syriaque pour modèle de l'alphabet arabe. Ce fut de ces hommes que des gens d'Al-Anbâr l'apprirent, puis les habitants d'Al-Hîra l'apprirent des gens d'Al-Anbâr."[..]
Balâdhuri, Futûh,p.659-661 trad. A.-L de Prémare cité in Les fondations de l’islam p.442
-

[5]Alfred-Louis de Prémare, Les fondations de l'islam, op.cit.p.243


Voir aussi l'exposé de la BNF http://expositions.bnf.fr/livrarab/arret_sur/ecritures/origines.htm On remarquera que la BNF ne peut s'empêcher de reprendre- sans aucune distance critique et sans aucune mention aux travaux scientifiques sur ce sujet- tel quel la tradition islamique. Exemple : "Révélée oralement au Prophète à partir de 610 et ses transcriptions rassemblées en 653 par 'Uthmân, la parole divine insuffle un formidable élan à l’écriture." voir les livres de François Deroches notamment son livre" Manuscrits Moyen-Orient Essais de Codicologie et Paléographie, BNF,1989 et Manuel de codicologie des manuscrits en écriture arabe, Bnf,2000

lundi 14 avril 2008

La place de l'agriculture dans l'islam






On doit souligner que cette conjonction des citadins et des nomades, sous l'égide des premiers, laisse au dernier plan, dans l'idéal social de la religion naissante, les activités agricoles. Le travail de la terre dans les oasis du Hedjaz était essentiellement servile par opposition à l'occupation noble par excellence qui était le commerce. Là encore l'Islam a assumé la situation qui se présentait à lui, et on a pu attirer l'attention sur la façon dont la réglementation sociale coranique a apporté des solutions à certains problèmes soulevés par la structure sociale, en pleine différenciation, des oasis. Mais tout l'enseignement du prophète reste bien imprégnés de mépris pour les travaux des champs. Dans le Coran, la croissance des récoletes n'apparait jamais comme le fruit du travail humain mais comme la simple expression de la volonté divine(par exemple XXVI, 33 à 36 ou encore LVI, 64-65-Dieu est le véritable semeur) et l'aspect anti-paysan se manifeste encore plus librement dans les hadiths. Le prophète voyant un soc de charrue, aurait dit:" Cela n'entre jamais dans la maison des fidèles sans qu'y entre en même temps l'avilissement". Des efforts ont été ultérieurement tentés pour concilier l'Islam avec la vie agricole, tel celui d'El Boukhâri, et des citations ont pu être fournis en ce sens." Chaque fois qu'un musulman plante ou arbre ou sème une graine, il aura droit à une récompense pour tout ce qu'un oiseau, un homme ou un quadrupède mangera de ce qui viendra à pousser" dit un hadith. Selon un autre, " un homme l'autorisation de cultiver et récolte des moissons plus grosses que des montagnes". D'autres hadiths montrent des compagnons du prophète occupés à des travaux agricoles. Il n'en reste pas moins que ce ne sont là que des correctifs et palliatifs. En dehors de la cité seul le nomade, malgré toutes ses imperfections, apparaît vraiment digne d'intérêt. Lui seul a droit au nom prestigieux d''arabe" a'râb, qui, utilisé aux temps pré-islamiques pour désigner les habitants des régions bédouinisées de l'Arabie au nord du Roub-al-Khâli, en y comprenant encore les sédentaires des oasis, pour les opposer aux habitants des pays sédentaires de l'Arabie du Sud, n'est déjà plus employé par Mahomet que pour désigner les Bédouins."Partout sur les lisières du désert de Syrie, lorsqu'on rencontre un homme, la première question posée, brève, est celle-ci"es-tu arabe ou fellah ? Arabe cela signifie ici"nomade, bédouin"; rien mieux que ce raccourci populaire ne révèle ce fait que le cultivateur, le paysan, sont comme relégués en dehors du monde arabe".


Xavier de Planhol, Les fondements géographiques de l'histoire de l'islam Flammarion pp.33-35

jeudi 10 avril 2008

L'invention de la voile latine par le wikipédia" 'islamiquement correct"










Addendum du 21/04/08 : Suite à mon article et à sa reprise sur le site wikipédia un mythe over blog , l'auteur du texte sciences et techniques islamiques a procédé à une modification de son "travail".Ainsi, la version du 17 avril 2008 à 9h 44 Mr Jeffdelonge corrige le L.L Lopez (version Mr Moez) en Robert Sabatino Lopez : http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Sciences_et_techniques_islamiques&diff=28721654&oldid=27443565

Il est quand même dommage de constater que non seulement le rédacteur n'a pas pris la peine de rectifier le fond de son article sur l'introduction de la voile latine mais qu'il a simplement corrigé l'erreur sur le nom de l'historien qui soutenait cette thèse en lui ajoutant sa référence bibliographique originale(pas celle qu'il a recopié sans vérifier dans Bertrand Gilles)



Selon le rédacteur de l'article Wikipédia "Sciences et techniques islamiques , "la civilisation islamique"aurait inventé la voile latine. Ainsi, il affirme que" les innovations en matière de navigation semblent limitées bien que L.LOPEZ[1] leur attribue l'invention de la voile carrée dite latine". Permettant de mieux remonter au vent, et de naviguer plus vite,véritable progrès décisif dans le domaine maritime, la voile latine est-elle véritablement une invention islamique comme le soutenait il y a plus de 50 ans Lopez et aujourd'hui les articles Wikipédia sauce "islamiquement correct"?




[...]Or de nouvelles recherches iconographiques ont conduit maintenant à rejeter ces idées. On connaissait déjà un texte de Procope (Guerre des Vandales, I,13) prouvant que dès 533 la voile carrée antique avait abandonné sa parfaite symétrie et évolué vers des formes livardes (espar diagonal qui élève, sous le vent du mât et vers l’arrière, le point supérieur d’une voile trapézoïdale) ou tiers. Mais il ne s’agissait pas encore d’une réelle voile latine.

[…]On a encore pu apporter récemment une figure indiscutable de voile latine, remontant aux années 600 à 630, dans une fresque d’un monastère égyptien représentant un bateau militaire léger. L’antériorité de celle-ci, en Méditerranée, par rapport à l’arrivée des Arabes, doit être maintenant considérée comme établie. C’est à partir de formes locales anciennes que la voilure nouvelle s’y est généralisée. Dans l’Antiquité il s’agissait tout au plus que d’un gréement réservé à de modestes embarcations, de pêche ou de cabotage de proximité, ou aux bâtiments légers de pirates, pour lesquels primait le besoin de s’adapter très vite à des vents changeants et à une navigation en tous temps et vers des abris de fortune, ce qui explique la rareté de ces représentations, tandis que la voile carrée, de rendements total supérieur, était l’instrument normal de la grande navigation régulière.
Les arabes n’ont certes pas inventé la voile latine, mais c’est bien à l’époque islamique qu’elle triomphe en Méditerranée et qu’elle y remplace la voile carrée aussi bien pour la navigation commerciale que dans les vaisseaux de combat. Il y a une corrélation évidente, dans le temps, entre sa diffusion et les conditions nouvelles de la vie maritime créées par le grand affrontement naval : affaiblissement ou disparition des grands courants commerciaux transméditerranéens provoqués par la coupure de la mer entre domaines opposées ; développement de la piraterie, mais aussi de la petite navigation côtière, exigeant souplesse et adaptation au vent. Si les routes commerciales maritimes du haut Moyen Âge restent en effet dans l’ensemble peu connues, il ne fait néanmoins pas de doute que les itinéraires « transversaux », reliant directement les rives Nord et Sud de la Méditerranée, ont considérablement régressé à cette époque. Dans l’Occident musulman la « route des îles » (par la Corse et la Sardaigne), jusque-là très active, disparaît ainsi totalement, tandis que le texte de Bakrî, écrit vers 1067, révèle un commerce maritime actif entre Maghreb et Machrek le long de la côte africaine. Des itinéraires directs, assez courts d’ailleurs, ne subsistent qu’entre l’Andalousie et l’Afrique, à travers la « Manche » méditerranéenne, les plus orientaux convergeant vers Alger. En Orient le trafic qui subsistait entre Byzance et les villes syriennes ou égyptiennes s’effectuait également pour l’essentiel le long des côtes.

[ ...] La voile latine ainsi, n’a pas été « la voile des Arabes », mais elle a bien été celle de « l’époque des Arabes », et il est probable que les marins musulmans, pirates ou caboteurs ont été des premiers à en généraliser l’emploi.[2]


Notes :
[1]Dans cette phrase, le rédacteur de l’article Wikipédia a fait une double erreur. Premièrement, il se trompe sur le nom de l'auteur. En effet, il ne s’agit pas de L. Lopez mais de Robert Sabatino Lopez. Ce dernier reprend une théorie développée par des historiens dans les années 30( notamment Brindley, Laird-Cloves, Bernelle) dans un article « Les influences orientales et l’éveil économique de l’Occident», dans Cahier d’histoire mondiale, I, p.594-622, Paris, 1954. Il s’appuie aussi sur cette théorie dans Medieval trade in the Mediterranean world, illustrative documents, Columbia university., New York, 1955.


Deuxièmement, la voile latine n'est pas une voile carrée mais une voile triangulaire dont la surface déborde beaucoup plus sur l'arrière du mât que sur l'avant et dont la bordure supérieure est tenue par un long espar appelé antenne, qui se dresse obliquement de l'avant vers l'arrière du bateau. La position normale de repos de la voile latine est dans l'axe du navire.http://www.mrugala.net/Histoire/Grand%20Siecle/Pirates/Glossaire/voiles_latine.gif
A l'inverse, la voile carrée est connu depuis la "haute"Antiquité. Elle est de forme rectangulaire, débordant des deux côtés du mât, et ayant une bordure supérieur supporté par un espar horizontal appelé vergue. La position normale de repos de la voile carrée est perpendiculaire à l'axe du navire. http://www.ambparis.um.dk/NR/rdonlyres/82A008EF-7612-4D5E-8697-259BE2D58D55/0/Sejlads07_005.jpg
L'erreur sur l'origine arabe de la voile latine est reprise dans l'article wikipédia Voile latine : « Apparue au IXe siècle, d'inspiration arabe, elle était surtout répandue en Méditerranée. » cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Voile_%28navire%29#Voile_latine

[2]Xavier de Planhol, L’Islam et la mer La mosquée et le matelot VII-XX siècle, Perrin,2000 pp.34-37. Les passages en gras sont un choix personnel.

mercredi 9 avril 2008

L'invention des thermes par "l'islamiquement correct"


Lieu de tous les fantasmes de la mode orientaliste du XIX siècle, le hammam reste encore aujourd'hui dans l'imaginaire populaire une pratique liée à l'islam. Ainsi, le site Sur la Route des Bâtisseurs affirme :"La pratique du hammam a suivi l'expansion de l'Islam, comme en témoignent les nombreux établissements de bains toujours présents en Iran, en Asie Mineure, en Afrique du Nord et en Égypte. Du VIIe au XVe siècle, on trouvait des hammams en Andalousie et le long du Danube." D'une phrase, on oublie donc la pratique pluriséculaire des thermes romains[1] ,en Asie Mineure[2], en Afrique du Nord[3], en Egypte[4], en Espagne[5] ou le long du Danube[6]. Pourtant,le hammam ne fait-il pas partie de la "dette" de la civilisation islamique à l'égard de l'Occident? Existe-t-il une différence notable entre la technique des thermes romains et celles des hammams ?




[..]La cité musulmane a multiplié l'établissement de bains, le hammam, emprunté lui aussi à l'Antiquité, sans subir aucune modification : une salle de déshabillage et de repos, une salle d'étuve, et parfois une salle de température intermédiaire. Il eut un rôle social et hygiénique de première importance dans les pays musulmans. Un médecin de Bagdad, de passage en Egypte au XII siècle, déclare :" Je n'en ai vu nulle part de mieux construits, ni de plus habilement disposés, soit pour la beauté, soit pour la technique." Le problème du combustible dans certaines régions, en Egypte par exemple, n'a réalisé aucun progrès : depuis la plus haute Antiquité, on utilise de la bouse du buffle. Ailleurs, on se servait de déchets de bois, de brousailles, de fumier. Dans les forêts de l'Atlas, on débitait du charbon de bois par le procédé des fours.[7]






Notes :




[3]les plus célèbres : Timgad(Algérie),Volubilis(Maroc), Carthage(Tunisie) Leptis Magna(Lybie)

[4]Thermes d'Alexandrie

[5]par exemple les thermes romains de Guadalmina (Marbella)

[6]par exemple : thermes de Salon(Croatie), thermes de Singidunum aujourd'hui Belgrade, Thermae Maiores de Budapest(Hongrie), thermes de Micia aujourd'hui Vetel (Roumanie), thermes de Philippopolis de Thrace aujourd'hui Plovdiv(Bulgarie).
[7]Maurice Daumas, Histoire générale des techniques, PUF, T.I p.346

mardi 8 avril 2008

La conquête de l'Inde: le point de vue de Fernand Braudel






L''islamiquement correct" alimente en permanence sa production de mythe. Véhiculé principalement dans les années 70 par des arabisants islamophiles, "le mythe du sabre de l'islam" affirme que l'islam n'a jamais utilisé la guerre pour s'étendre. Qu'importe si les chroniqueurs musulmans nous décrivent avec luxe de détails les raffinements des exactions perpétrées sous domination islamique, le site Sajidine, adepte du "mythe du sabre de l'islam"affirme sans sourciller : " Puis il existe tant de pays, les plus grands pays musulmans en fait, où nulle armée musulmane n’a mis le pied : Indonésie (200 millions de musulmans), Malaisie, Inde, Afrique noire, Asie orientale, etc. Où fut l’épée ?"


Fernand Braudel semble l'avoir trouvée pour l'Inde.
















Cette conquête, cent fois recommencée, aboutit à une vaste occupation militaire. Les musulmans, peu nombreux, installés seulement dans les villes importantes, ne règnent sur le pays qu'au prix d'une politique systématique de terreur. La cruauté est quotidienne : incendies, exécutions sommaires, condamnations à la crucifixion ou au pal, caprices sanguinaires... Les temples hindous sont détruits pour faire place aux mosquées. A l'occasion, des conversions sont imposées par la force. Enfin qu'un soulèvement se produise, la répression est immédiate, sauvage : maison incendiées, pays dévastés, hommes abattus, femmes emmenées en esclavage.




D'ordinaire, le plat pays est abandonné à l'administration des princes indigènes ou des communautés villageoises, ces autorités intermédiaires étant responsables du paiement de lourds impôts, contrepartie parfois d'une certaine autonomie : ainsi sur les terres des rajahs du Radjpoutana.




L'Inde n'a dû qu'à sa patience, à sa puissance surhumaine, à son immensité, de survivre. Comme les tributs sont écrasants, une récolte catastrophique suffit à déchaîner famines et épidémies qui enlèvent d'un seul coup des millions d'êtres. Une misère effroyable a été la constante contrepartie du luxe des vainqueurs, des splendeurs des palais et des fêtes de Delhi où les sultants ont installé leur capitale, sujet d'émerveillement pour les voyageurs musulmans comme le célèbre Ibn Batouta.




Les sultans de Delhi ont eu la chance d'échapper à peu près au choc des premières invasions mongoles de Gengis Khan et de ses successeurs immédiats, au XIII siècle. Ils ont même profité de ces tourmentes pour agrandir leurs conquêtes vers le Sud qui avait su résister jusque-là à l'installation de sultanats musulmans. Par contre, Tamerlan submergera leur territoire et poussera un raid victorieux, en 1389, jusqu'à Delhi qui sera saccagée sans pitié. Mais le vainqueur s'en retirera aussitôt avec son butin et des files de captifs, si bien que la vieille domination musulmane put se rétablir dans l'Inde, vaille que vaille, sans toutefois retrouver son ancienne splendeur.




Cent trente ans plus tard, c'est un Empire malade, en fait morcelé entre plusieurs mains, que renversera en 1526, sur le champ de bataille de Panipat, l'armée d'aventuriers que conduisait Baber, descendant de Gengis Khan.[..]Baber était musulman(du rite sunnite). La victoire des ces nouveaux venus a donc été celle de l'Islam orthodoxe, des hommes à la peau blanche, de la poudre à canon.[..]




De 1526 jusqu'à la mort d'Aureng Zeb, l'Inde musulmane a connu ainsi une nouvelle splendeur que rappelle les grandes années des sultans de Delhi, avec d'ailleurs les mêmes violences, la même coexistence forcée, les mêmes implantations, les mêmes succès.








Les mêmes violences : l'Islam règne par la crainte et établit son luxe sur la misère générale de l'Inde(pouvait-il agir autrement ?). D'un côté, de fabuleuses richesses qu'admirent les voyageurs d'Occident; de l'autre, une série de famines, de mortalités fabuleuses et ces innombrables enfants abandonnés ou vendus par leurs familles.








La même coexistence forcée, issue de liens de plus en plus nombreux au fur et à mesure que le temps passe.[..]




Au vrai, le conquérant ne pouvait se passer de ses sujets hindous. D'immenses régions de l'Inde restaient semi-indépendantes, payant ou ne payant pas l'impôt. [...]




Les nécessités issues de guerres et de luttes continuelles contribuaient à limiter une autorité en principe absolue.







Fernand Braudel, Grammaires des civilisations, Flammarion,1993 pp.272-274




vendredi 4 avril 2008

Le nouveau Ibn Khaldun de l'islamiquement correct





Dernier avatar de "l'islamiquement correct", la sortie du livre de l'historien Claude Horrut intitulé Ibn Khaldoun un islam des "Lumières" ?. Après avoir été encensé par certains apologètes comme le père de la sociologie, nos zélotes ont décidé de travestir notre cadi malékite dans les habits neufs de "l'islam des Lumières". Bien que n'ayant pas lu le livre de Mr Horrut, je me souviens de quelques passages des Muqqadima portant notamment sur les conditions du jihad, la confusion du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel dans l'exercice du gouvernement sans oublier les choix proposés aux dhimmis sous domination islamique. Bref, un véritable programme pour l'islam des lumières que je ne peux m'empêcher de partager avec vous et qui contraste singulièrement autant avec le titre de l'ouvrage qu'avec la présentation de l'éditeur[1]




Dans l'islamisme, la guerre contre les infidèles est d'obligation divine, parce que cette religion s'adresse à tous les hommes et qu'ils doivent l'embrasser de gré ou de force. On a donc établi chez les musulmans la souveraineté spirituelle et la souveraineté temporelle afin que ces deux pouvoirs s'emploient simultanément dans ce double but. Les autres religions ne s'adressent pas à la totalité des hommes; aussi n'imposent-elles pas le devoir de faire la guerre aux infidèles; elles permettent seulement de combattre pour sa défense. Pour cette raison, les chefs de ces religions ne s'occupent en rien de l'administration politique. La puissance temporelle est entre les mains d'un individu qui l'a obtenue par un hasard quelconque ou par suite d'un arrangement où la religion n'entre pour rien. La souveraineté s'est établie chez ces peuples, parce que l'espoir de corps les y porte par sa nature même, ainsi que nous l'avons déjà indiqué; la religion ne leur imposait pas cette institution, vu qu'elle ne leur ordonnait pas de subjuguer les autres peuples, ainsi que cela eut lieu dans l'islamisme. Ils sont obligés qu'à veiller au maintien de la religion dans leur propres nation ; aussi les Israélites, à partir de l'époque de Moïse et de Josué, passèrent environ quatre siècles sans penser à fonder un royaume; leur unique souci fut le maintien de la religion.[..][2]



Les chrétiens, ayant eu de nouveau des discussions relativement aux dogmes et à ce qu'il fallait croire au sujet du Messie, se partagèrent en plusieurs sectes, dont chacune évoqua l'appui de celui d'entre les roi de la chrétienté qui était son souverain. Cette diversité d'opinons régna pendant plusieurs siècles, une secte donnant naissance à une autre; mais on finit par n'y voir que trois sectes principales: les Mélékites"les orthodoxes", les Jacobites et les Nestoriens. Nous ne jugeons pas convenable de salir nos pages en rapportant leurs opinons impies, qui, du reste, sont assez généralement connues. Toutes ces doctrines sont fausses, ainsi que le Coran l'a déclarée. Nous n'avons pas à discuter ou à raisonner là-dessus avec eux; nous n'avons qu'à leur donner le choix de l'islamisme, de la capitation ou de la mort.[3]








[1] extraits de la présentation par l'éditeur du livre Ibn Khaldun un islam des Lumières ?:"Le présent ouvrage nous invite plutôt à une relecture, non de quelques extraits, mais de l'ensemble de l'oeuvre de cet homme d'esprit « de tous les temps ». [..]Les malheurs de sa vie personnelle, mais aussi un regard détaché sur les hommes et les sociétés, empreint d'une recherche du juste milieu, de l'harmonie et de la mesure"cf. http://www.amazon.fr/Ibn-Khaldun-Un-islam-Lumi%C3%A8res/dp/2870279981 . On remarquera quand même que le terme" Lumières" a été mis entre guillemets dans cette interrogation.


[2]Ibn Khaldoun, Les prolégomènes trad. Slane, 1863 p.469 disponible sur google.books : http://books.google.fr/books?id=JTs8AAAAMAAJ&pg=PA469&dq=Les+prol%C3%A9gom%C3%A8nes+ibn+khaldoun+dans+l%27islamisme,+la+guerre+contre+les+infid%C3%A8les#PPA469,M1


[3]Ibid. p.476 voir http://books.google.fr/books?id=JTs8AAAAMAAJ&pg=PA469&dq=Les+prol%C3%A9gom%C3%A8nes+ibn+khaldoun+dans+l%27islamisme,+la+guerre+contre+les+infid%C3%A8les#PPA476,M1


Deux remarques pour parer à toute critique stérile : J'espère lire le livre de Mr Horrut à la bibliothèque. J'apprécie beaucoup l'oeuvre monumentale d'Ibn Khaldun. Néanmoins, il est presque aussi loin de la sociologie que Hérodote l'a pu l'être.


jeudi 3 avril 2008

L'âge légal du mariage selon la jurisprudence Mahomet défendu par un juge islamique




Dans cet extrait vidéo, diffusé sur la télévision Al-Rafidein le 14 mars 2008, le Dr. Abd Al-Hamid Al-'Ubeidi-un expert irakien en loi islamique, fait l'apologie du génie islamique de la Charia en ce qui concerne l'âge du mariage légal. Défendant l'honorabilité du mariage de Mahomet avec Aicha, il va utiliser de nombreux stéréotypes du monde islamique sur la sexualité et la constitution biologique des occidentaux.












Extrait vidéo sous-titré en anglais http://www.memritv.org/clip/en/1725.htm

Docteur Abd Al-Hamid d'Al-'Ubeidi : Il n'existe pas d'âge de mariage minimal pour les hommes ou pour les femmes dans la loi islamique. Dans beaucoup de pays, la loi permet aux filles de se marier seulement à l'âge de 18 ans. C'est une législation arbitraire, ce n'est pas la loi islamique. Pourquoi ? Parce qu'il pourrait y avoir des cas dans lesquels il est impossible de garder une fille célibataire jusqu'à l'âge de sa maturité sexuelle.


Par exemple, en Bosnie-Herzégovine, les Serbes ont tué beaucoup de Musulmans albanais et il y a beaucoup de charniers là-bas. . Des familles [musulmanes] se sont enfuies de cette guerre et donc a fait de petits enfants, qui n'étaient pas encore à l'âge du mariage. Mais si un homme prend une telle fille, il pourrait la désirer et commettre finalement un péché, bien que ses intentions soient nobles. Donc il peut formellement l'épouser, mais sans avoir de relations sexuelles avec elle. Elle restera comme ça jusqu'à ce qu'elle grandisse et ensuite quelqu'un demandera de l'épouser, ou cet homme lui trouvera un mari - cela arrive dans beaucoup de pays islamiques avec des filles de Bosnie-Herzégovine - et quand il lui trouvera un mari, il divorcera avec elle, pour qu'elle puisse se marier de nouveau. Dans un tel cas, il ne devrait y avoir aucune période d'attente. Ainsi il n'y a aucun besoin de la fille pour être d'âge.



La plupart du temps nous jugeons ce ce qui est acceptable pour la plupart des personnes et en effet, la plupart des hommes n'épouse pas de fille avant qu'elle n'ait l'âge [de la maturité sexuelle]. Dans quelques pays Islamiques, l'âge de la maturité sexuelle peut être à 8 ou 10 ans. Au Yémen, une fille pourrait atteindre sa période de maturité sexuelle à l'âge de 8 ans. Dans des pays froids, comme la Russie, la Biélorussie, la Scandinavie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, etc, une fille ne peut atteindre sa maturité sexuelle avant 22 ans. Elle ne peut obtenir ses menstruations avant cet âge là. Donc, le génie de loi islamique se manifeste dans le fait que le mariage n'est pas seulement pour le plaisir. En vérité, c'est l'objectif de base pour le mariage, mais il y a quelques cas qui exigent des solutions[...]



Beaucoup de criminels, ennemis de l'islam demandent : "Comment le Prophète Muhammad a pu se marier à l'âge de 52 ans avec Aisha alors qu'elle avait seulement 8 ans et consommée le mariage quand elle avait 9 ans ?" Je leur dis : Le peuple vivant dans des maisons de verre[2] ne devrait pas jeter des pierres. Pourquoi permettez-vous à vos jeunes filles de forniquer ? Ils [les occidentaux]considèrent cela comme l'un de leurs privilèges[2]. Donc, dans ces stupides pays, vous trouvez rarement des filles de 10 ans ou 12 ans encore vierges.Ils permettent cela. Ils ont même légiféré des lois stipulant que si une fille est âgée de moins de 18 ans et sa petite amie [sic] ou qui que se soit ayant des relations sexuelles avec elle, elle a le droit d'avoir un avortement. Comment pouvez-vous permettre le résultat sans accepter la cause ? Pourquoi permettez-vous à vos filles d'avoir des relations sexuelles et affirmer que c'est une liberté individuelle ? Là-bas, il doit être possible de forniquer avec des filles ou de les forcer à avoir des relations sexuelles et ils ont le droit d'avoir un avortement.[3] Si vous permettez tout cela avant l'âge [de 18 ans], sans un contrat de mariage et sans raison légale - comment se fait-il que vous interdisez le mariage ?"





Note :


[1] : Notre juge islamique s'appuie sur l'une des critiques islamiques courantes sur l'architecture des maisons et des immeubles dans les pays occidentaux. Le grand nombre d'ouverture mobile(porte, fenêtre) et l'utilisation de vitres (peuple du verre) inciteraient à la dépravation et mettrait donc en péril l'honneur des femmes de la maison. cf pour les détails techniques L'Habitat traditionnel dans les pays musulmans de la Mediterranee de Jean-Claude Garcin




[2] Notre juge islamique a l'air de connaître très mal la législation sur le droit des mineurs en Occident. Pour rappel(cas France) : atteinte sexuelle commis sur un mineur sexuel, puni de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, le délit est défini à l'article 227-25 du Code Pénal :
« Le fait, par un majeur, d'exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur de quinze ans est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. » cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Atteinte_sexuelle_sur_mineur




[3] Sur ces 8 lignes, notre juge islamique amalgame les cas de pédophilie et de viol et les cas de relations entre mineurs consentants. Pour ce dernier type de relation, je renvoie à l'étude de l'INED. http://www.ined.fr/fr/tout_savoir_population/fiches_pedagogiques/naissances_natalite/age_premier_rapport_sexuel/


La photo d'illustration a été prise par Stéphanie Sinclair(prix UNICEF 2007)montre un quadragénaire afghan, Mohammed et sa jeune épouse de 11 ans Ghulam. http://www.unicef.de/foto/2007/english/index.htm

mercredi 2 avril 2008

Les expéditions de Mahomet d'après Tabari




On dit généralement que le prophète a entrepris vingt-sept expéditions ; mais quelques-uns en comptent vingt-neuf. En effet, la campagne de Fadak, de Khaybar et de Wadil Qura n'est qu'une seule et même expédition , parce que le prophète se rendit directement , et sans revenir à Médine , de Khaybar à Fadak et de là à Wadil Qura. Mais si l'on compte chacune de ses trois expéditions séparément , on arrive au nombre de vingt-neuf. Nous avons raconté ces expéditions dans cet ouvrage , chacune à sa place ; nous allons les énumérer de nouveau toutes ensemble , afin que leurs noms puissent plus facilement être appris par cœur. Voici les noms des expéditions du prophète: expédition d'al Abwa ;expédition contre Bowat; expédition d’Uschayra. première expédition de Badr; grande expédition de Bedr; expédition contre Kodr; expédition contre les Qaynuqa; expédition contre Sawiq. expédition contre Dhu Amarr; expédition contre Bahran; expédition d'Ohod; expédition contre les Banu Nadir; expédition contre Dhat ar Riqa; expédition du rendez-vous de Bedr; expédition contre Dumat Jandal; expédition contre les Banu Qurayza; expédition du Fossé; expédition contre les Banu Lihyan; expédition contre Dhu Qorod; expédition contre les Banu Mustaliq; expédition contre Hodaybiya; expédition contre Khaybar, Fadak et Wadil Qura; Visite de l'accomplissement; prise de la Mecque; expédition contre Honayn ; expédition contre Ta’if; expédition contre Tabouk .

Dans neuf de ces campagnes il y avait eu combat, savoir[sic]:
à Bedr, à Ohod , au Fossé , dans l'expédition contre les Qurayza , dans l'expédition contre les Mustaliq, à la prise de la Mecque , à Khaybar , à Honayn, à Ta’if.
Les campagnes exécutées par des détachements de troupes , sans que le prophète y prit part, sont au nombre de trente-cinq , d'autres disent de quarante-huit.
Allah seul connait la vérité.






Tabari , Histoire des prophètes et des rois Volume II, Actes Sud, 1983 pp. 325-326


mardi 1 avril 2008

Mahomet et la guerre : Analyse de Morabia
















Ses adversaires, Muhammad les combattit avec vigueur et détermination, estimant que lorsque la prédication et l'exhortation ne suffisaient pas à les ramener à de meilleurs sentiments, il était parfaitement légitime de s'en débarrasser par la force ou la ruse, afin de parvenir au but assigné par Allâh et Sa faction. La Révélation signale que Muhammad est le sceau des prophètes. Les précédents Envoyés avaient prêché, et quelquefois convaincu, se servant de miracles et de paroles divines. Le Sceau des prophètes venait, lui, avec la Parole définitive, mais aussi avec le Sabre. Ultima ratio phrophetis... Aspect totalisateur qui n'a pas manqué de laisser une forte empreinte tant sur la pensée que sur la psychologie des adeptes de l'Islam.


L'homme consacra une notable partie de son activité médinoises aux entreprises guerrières. Ce ne fut pourtant pas un grand soldat. Fait significatif : les premières biographie du Prophète ont été intitulées Magâzî("campagnes", "expéditions"). Titre doublement révélateur du caractère guerrier de la carrière de Muhammad, et des préoccupations du Proto-ISLAM, époque à laquelle furent rédigées ces oeuvres. Les Magâzi ont, d'ailleurs constitué avec les sages tribus arabes les premiers jalons de la littérature arabe.


Pour vaincre certaines réticences et enflammer l'enthousiasme de ses hommes, Muhammad eut l'intelligence d'attribuer un caractère sacré aux initiatives guerrières de la jeune Communauté; faisant de chacune des expéditions un devoir religieux, une "guerre de Dieu". Il dégageait ainsi le gihâd de la vendetta arabe, lui ôtant tout caractère familial, et en faisant un attribut de l'Etat. Si, comme l'a si bien remarqué le philosophe Alain, "toute guerre est une guerre de religion", l'Envoyé d'Allâh eut une grande intuition, base de son succès : assimiler l'activité offensive qu'il mena, l'exaltation des vertus guerrières et du sabr arabes, jusques et y comprisle miroitement du butin, à la transcendance du "combat dans la Voie d'Allâh" et à la béatitude de l'Au-delà. La fermeté et l'endurance si chères aux poètes de l'anté-Islam devenaient fermeté et endurance dans la lutte pour faire triompher la Parole du Seigneur. Nous y reviendrons. La plupart des coupes de main du début pouvaient avoir été déterminés essentiellement pour des raisons économiques, puis vinrent les grandes entreprises que commandaient les objectifs politico-religieux de l'Apôtre. Ainsi, par une subtile évolution, la razzia avait progressivement pris figure de" combat dans la voie d'Allâh", de gihâd; et celui-ci, de moyen, n'avait pas tardé à se transformer en fin. Sur des modèles anté-islamiques, de nouveaux dessins furent formés. A cet égard, Muhammad fut, indéniablement, le fondateur de l'idéologie conquérante qui allait devenir, infléchie par le cours des événements du premier siècle musulman, le combat expansionniste pour "la conquête des pays". Mais pragmatique dans ce domaine comme dans tant d'autres, le Prophète agit et enseigna, à mesure des circonstances, et se montra brillant diplomate, faisant alterner promesses et menaces le long de l'axe commercial reliant la Mekke à la Syrie, pour étendre pacifiquement son emprie et s'imposer à Qurays.


[...]


A sa mort, il était parvenu, grâce à la Guerre Sainte qu'il avait prônée dans la Prédication, à souder par l'épreuve des armes la jeune Communauté musulmane, et à étendre la Foi sur de vastes régions de la Péninsule. Mais celle-ci n'était pas entièrement soumise, tant s'en faut !La Révélation n'était pas réunie en un corpus admis par tous. La tâche d'achever l'unification de l'Arabie, de codifier la Foi et d'édifier un Etat musulman, restait encore à faire.


"L'Islam, a dit William Marçais, a trouvé la guerre à son berceau. Il a dû combattre dès son origine, pour triompher et imposer par la force la vérité nouvelle qu'il apportait. Ceci a pesé d'un poids singulièrement lourd sur sa destinée."




Alfred Morabia, Le Gihad dans l'Islam médiéval, Albin Michel,1993pp.72-75